Le débat : 4056€ par mois, synonyme de richesse ?

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Selon l’Observatoire des inégalités, on entre dans la catégorie des "riches" en France à partir de 4 056 euros net par mois pour une personne seule. Ce chiffre, révélateur de tensions sociales, relance le débat sur les repères de richesse, la perception des inégalités et le ciblage des politiques fiscales.
 

Un seuil qui interroge plus qu’il ne tranche
Fixer un seuil de richesse est un exercice périlleux. Dans son rapport publié début juin 2025, l’Observatoire des inégalités estime qu’une personne seule est riche à partir de 4 056 euros net par mois, soit le double du revenu médian (2 183 €). En 2023, ce seuil était de 3 860 euros, ce qui montre une progression en phase avec l’inflation.
 

Mais ces chiffres, bien que rigoureux dans leur approche statistique, peinent à faire consensus. Nombre de Français au-dessus de ce seuil n’ont pas le sentiment d’appartenir aux "riches". D’abord parce que le coût de la vie varie fortement selon les territoires, notamment en Île-de-France, où les loyers et dépenses contraintes pèsent lourd. Ensuite, parce que le niveau de vie ne se résume pas au revenu mensuel : le patrimoine, la stabilité de l’emploi ou la charge familiale comptent tout autant.
 

L’étude prend toutefois en compte la composition du foyer via l’échelle de l’INSEE. Ainsi, un couple avec deux enfants est considéré comme riche à partir de 10 138 euros net mensuels. Un niveau que seuls 4 % des foyers français dépassent, selon les calculs de l’observatoire.
 

Richesse perçue, inégalités vécues
Pourquoi ce chiffre fait-il tant réagir ? Parce qu’il touche à une question sensible : l’écart entre richesse objective et richesse perçue. D’après une enquête de l’Ifop pour Oxfam publiée en avril, 60 % des Français estiment qu’on est riche à partir de 5 000 euros par mois, un seuil supérieur à celui proposé par l’Observatoire. Ce décalage traduit une certaine méfiance vis-à-vis des indicateurs officiels, mais aussi une montée des tensions autour du pouvoir d’achat et des inégalités.
 

La publication de ce seuil intervient aussi dans un contexte politique inflammable. La réforme des retraites, le débat sur les aides sociales ou encore les discussions sur l’impôt minimum mondial ravivent les interrogations sur la contribution des plus aisés au financement du modèle social. Dans ce cadre, définir qui est "riche", c’est aussi tracer la frontière implicite de ceux qui doivent payer plus.
 

« On peut être riche sans s’en rendre compte, parce qu’on se compare à plus riche que soi », rappelle Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Un biais bien documenté par les économistes du comportement : chacun se situe en général au cœur de la classe moyenne, même quand ses revenus le placent objectivement au-dessus.
Vers un usage politique du seuil de richesse ?
 

Ce type d’étude n’a pas vocation à imposer une politique fiscale, mais elle pourrait bien inspirer les décideurs. En 2024, Gabriel Attal avait évoqué une "contribution exceptionnelle des plus riches" sans en définir précisément les contours. Ce chiffre de 4 056 € pourrait ainsi servir de référence pour des mesures ciblées.
 

Mais les économistes appellent à la prudence en distinguant le revenu du patrimoine, or ce seuil ne dit rien sur la fortune. Car les écarts de patrimoine sont bien plus marqués que ceux de revenu : les 10 % les plus fortunés détiennent près de 50 % du patrimoine global.
 

Enfin, cette focalisation sur le revenu mensuel occulte d’autres formes de richesse : la sécurité de l’emploi, la santé, l’accès à un bon logement ou à une éducation de qualité sont autant d’indicateurs de confort matériel. Un débat qui dépasse la technique pour toucher au cœur du pacte social.